Notre présence au monde peut nous paraître banale ou miraculeuse, selon la sensibilité de chacun.
Mais tous, nous admettons qu'il y a là un mystère :
nous n'étions pas là, et un beau jour, nous nous découvrons là, pour un laps de temps.
François Cheng
Pratiquer la pleine conscience pour moi aujourd'hui, c'est m'exercer à être pleinement présente à ce qui est, instant après instant, au dedans comme en dehors de moi. C'est ne faire qu'un avec mon expérience du moment en accueillant tout ce qui surgit tel que cela surgit, sans vouloir qu'il en soit autrement.
C'est une manière d'honorer le vivant, dans son impermanence et sa fragilité.
M'asseoir sur le coussin, quotidiennement ou presque, est un rendez-vous : je me rends.
Je m'autorise, avec plus ou moins d'insouciance ou de validation intérieure, à mettre sur pause toute activité estimée "urgente" pour tourner mon regard vers l'intérieur.
C'est un temps non productif, à contre-courant des injonctions de notre époque et de notre société, à moins que l'on envisage la méditation comme un outil de développement personnel au service de la "meilleure version de soi-même", là où la méditation de pleine conscience vient justement déconstruire "meilleure" et "soi-même" (entre autres déconstructions...).
Je m'assois pour me corporer, entrer en corps.
Je m'assois encore et encore dans mon bassin pour y trouver la confiance et l'enracinement.
Juste ça : le poids et l'abandon à la terre.
Et je m'exerce à sentir tout ce qui retient peut-être l'assise, ce qui reste subtilement "en suspension".
C'est un fait : m'établir dans la posture et en prendre soin, comme on réaccorderait chaque jour un instrument, m'aide à me relier au "sentir", et donc à l'instant. A la manière d'un rituel, c'est une façon de prendre la température du moment, de ressentir une première météo intérieure, celle des sensations physiques, sans qu'elle soit connue d'avance.
"Tiens, comment c'est là tout de suite?". Nouveau, à chaque fois. Même un tout petit peu.
Cet état des lieux rituel du "sentir" dans les différentes parties du corps est une manière de redescendre, d'arriver, de me déposer pour pouvoir ensuite orienter délibérément mon attention vers la respiration et sa nature évanescente. Me glisser dans l'inspire, me glisser dans l'expire, et (re)commencer. Me glisser dans, comme on glisserait une main dans un gant.
Faire corps avec, toute en laissant faire.
Et constater que "ça" se fait, sans effort et sans que je sois aux commandes.
S'émerveiller de ressentir le vivant en acte.